Apprendre en jouant, c’est sérieux?

Il parait que les enfants apprennent en jouant. Pourquoi les adultes ne joueraient-ils pas en apprenant eux aussi?

En éducation supérieure, les jeux sérieux ont la cote. Les jeux sérieux sont des applications informatiques qui combinent le caractère ludique d’un jeu avec une intention pédagogique (d’où le qualificatif «sérieux»). Dans le domaine qui nous intéresse, une équipe formée d’enseignants et d’ingénieurs informatiques a créé le Game of Writing. Ce n’est pas un jeu en soi, mais une application informatique qui permet aux étudiants de donner et de recevoir des commentaires sur leurs textes avant de les soumettre à la notation par l’enseignant.

Le Game of Writing se sert de techniques issues des jeux et des médias sociaux. Par exemple, l’application présente un tableau comprenant les noms des étudiants du groupe selon l’avancement de leur travail, afin de stimuler la saine compétition. De plus, l’application décerne des badges virtuels lorsque certaines étapes sont franchies. Entre autres, le badge «lapin mignon» est octroyé aux étudiants qui remettent leur travail avant la date limite. Pour ceux et celles qui n’auraient pas compris, lapin = vitesse…

L’application Game of Writing recourt également à des techniques issues des médias sociaux : la fonction «commentaire» qui est au cœur du processus de rétroaction, les boutons «j’aime» et «je n’aime pas» pour exprimer son opinion sur un commentaire, et l’épingle pour attirer l’attention sur un commentaire.

Cette plateforme de rédaction m’a inspiré un jeu qui s’intitule «Battez le correcteur automatique». Le but du jeu consiste à corriger plus de fautes qu’un correcteur automatique. Les fautes peuvent être de toutes sortes : orthographiques, grammaticales, sémantiques, typographiques, etc. Évidemment, pour que ce jeu fonctionne, les fautes doivent être préalablement encodées dans le jeu, mais je laisserai ce détail aux ingénieurs informatiques. Pour jouer, l’étudiant doit repérer les fautes dans un texte, sélectionner les mots ou les passages contenant ces fautes et, pour chaque faute, cliquer sur la catégorie appropriée parmi celles proposées. En cliquant sur une catégorie, l’étudiant découvre une bulle d’information et est invité à valider son choix. Le maitre du jeu lui indique par la suite si une faute a effectivement été découverte. Le cas échéant, l’étudiant reçoit un morceau de robot. Le joueur doit ensuite dire comment corriger la faute. Si la solution proposée est bonne, le logiciel donne alors un deuxième morceau de robot. Et ainsi de suite… Lorsque le joueur a terminé sa correction du texte, c’est au tour du logiciel de jouer. Si le logiciel trouve plus de fautes que le joueur (autrement dit si le robot du logiciel comprend plus de morceaux), c’est le logiciel qui gagne.

Je ne connais pas grand-chose aux jeux sérieux, mais si cela était possible, il pourrait être intéressant de varier les mécanismes d’obtention des points. Par exemple, certains joueurs pourraient être tentés par des garnitures qui s’accumulent sur une pizza. Avec les jeux sérieux, les possibilités sont infinies.

Erreurs de débutante

Au trimestre d’automne 2017, j’ai transformé un cours de rédaction scientifique en formation hybride. À sept reprises durant le trimestre, les étudiants étaient invités à faire le cours en ligne, au moment qui leur convenait. C’est ce qu’on appelle un cours asynchrone.

J’enseigne à l’université depuis près de vingt ans. Je suis presque un dinosaure. Cet instinct de dinosaure m’a poussée à concevoir mon premier cours hybride comme une séquence de quinze séances, même si j’alternais entre une séance à distance et une séance en présentiel. Le problème, c’est qu’en reproduisant ce modèle, je n’ai pas tiré avantage de l’enseignement en ligne, de surcroit asynchrone. En effet, dans un cours asynchrone, il n’y a pas de contrainte temporelle ou spatiale. Pourquoi répartirait-on les contenus d’un cours en ligne en quinze sections?

Lorsque j’ai entrepris mon deuxième projet de cours hybride cet hiver, j’ai entièrement repensé le regroupement des contenus, sans tenir compte du nombre de semaines dans un trimestre. Au résultat, on a un cours de rédaction organisé autour de six activités pédagogiques.

Ce n’est pas la seule erreur que j’ai commise. La première fois que j’ai «abandonné» mes étudiants à leur cours en ligne, j’avais indiqué qu’une séance de clavardage serait ouverte pendant les trois heures auxquelles le cours se donne normalement en classe. Le but était de pouvoir répondre à leurs questions aussitôt qu’elles se présentaient. J’ai attendu longtemps… Aucun étudiant n’a visité l’environnement numérique du cours à ce moment précis. Mes étudiants, eux, avaient compris comment tirer avantage de l’apprentissage en ligne.

Dans une formation en ligne, les interactions entre les étudiants, les enseignants et les savoirs diffèrent de celles normalement observées dans une formation en présentiel (Papi, 2016). Ainsi, l’une des compétences essentielles que doivent acquérir les enseignants consiste à élaborer (ou adapter) les stratégies d’accompagnement des étudiants. Pour ce faire, il faut prendre en compte les facteurs qui influencent le degré d’encadrement, à savoir le niveau d’autonomie des étudiants, le niveau de structure du cours et le niveau de dialogue entre les intervenants du cours (Power, 2002). Cette compétence implique également de connaitre les bonnes pratiques d’encadrement des étudiants dans un contexte d’apprentissage en ligne. En outre, les enseignants doivent maitriser les outils dédiés à l’encadrement, tant en mode synchrone (vidéoconférence) qu’en mode asynchrone (courriel, forum). Ces compétences sont d’autant plus importantes que les tâches d’encadrement des étudiants augmentent de manière significative dans une formation à distance (Conseil supérieur de l’éducation, 2015).

La question qui tue est : comment les enseignants peuvent-ils développer toutes les compétences requises pour enseigner à distance? C’est très simple. Ce sont les institutions d’enseignement qui doivent les former. Enseigner à distance, ce n’est pas sorcier, mais il faut reconnaitre que cela s’apprend.

Références

Conseil supérieur de l’éducation. (2015). La formation à distance dans les universités québécoise: un potentiel à optimiser. Québec: Gouvernement du Québec.

Papi, C. (2016). De l’évolution du métier d’enseignant à distanceSTICEF, 23.

Power, M. (2002). Générations d’enseignement à distance, technologies éducatives et médiatisation de l’enseignement supérieur. International Journal of E-Learning & Distance Education, 17(2), 57-69.

Le numérique au service de la participation active des étudiants

Comme professeure, je cherche toujours à améliorer mes méthodes d’enseignement. Comment rendre mes cours plus dynamiques?

Dans un cours de rédaction, l’un des premiers principes qu’on enseigne est que tout texte, pour être efficace, doit être centré sur son destinataire. Si le texte n’est pas adapté au destinataire, il risque d’être mal compris. C’est la même chose en enseignement. Pour être efficace, l’enseignement doit être centré sur les apprenants et miser sur leur participation active (Bates, 2015).

Je donne régulièrement des exercices de rédaction en classe. Chaque étudiant est devant son ordinateur et s’affaire à pondre un texte. Pendant qu’ils travaillent, je circule entre les rangées, me penche pour lire les textes et donne de la rétroaction. Que veux-tu dire par ceci? Pourquoi as-tu écrit cela? Lorsque l’information serait profitable à tous les étudiants du groupe, je les interromps et leur explique la situation. J’aime utiliser cette méthode, car elle rend l’exercice dynamique. Toutefois, je crois qu’il est temps d’actualiser la méthode. C’est décidé! La prochaine fois, j’afficherai le texte de l’étudiant à l’écran principal, afin que tous les étudiants du groupe voient l’objet de mon intervention! On n’arrête pas le progrès…

Sérieusement, voyons comment faire participer tous les étudiants dans cet exemple banal, mais tellement fréquent dans un cours de rédaction. À petite échelle, l’objet de mon intervention devient un « problème » rédactionnel. Une fois le « problème » affiché aux yeux de tous, je demanderai aux étudiants de proposer des solutions et d’appuyer leurs réponses par des principes étudiés auparavant ou par de nouvelles sources consultées. Pendant qu’ils réfléchiront, je créerai un questionnaire dans Moodle; cela ne prend qu’une minute, littéralement. Par exemple, si le problème rédactionnel est de nature structurelle, la question pourrait être : En une ou deux phrases, expliquez comment vous feriez pour améliorer la structure du paragraphe à l’écran? Au bout de quelques minutes, nous pourrions lire les réponses ensemble. Dans une classe de 30 étudiants, cela est tout à fait viable.

N’est-ce pas là un bel exemple d’utilisation du numérique favorisant la participation active des étudiants? J’ai tellement hâte au prochain exercice de rédaction!

Bates, T. (2015). Teaching in a Digital Age. https://opentextbc.ca/teachinginadigitalage/

Technologies de rédaction : que nous réserve le futur?

On oublie parfois que les technologies de rédaction ne datent pas d’hier. Selon Brian Gabrial, professeur de journalisme à l’Université Concordia, on peut les classer dans quatre catégories.

  • Technologies manuelles : tablette (d’argile), doigt (humain), papyrus, roseau, plume, crayon, papier, etc.
  • Technologies mécaniques : presse de Gutenberg et machine à écrire.
  • Technologies électriques : télégraphe et télécopieur.
  • Technologies électroniques : ordinateur, traitement de texte, internet, etc.

Nous en sommes donc à l’ère électronique des technologies de rédaction. Que nous réserve le futur? Dans le cadre d’un sondage pancanadien sur les outils informatiques (voir note), j’ai posé la question à plus de 400 rédacteurs professionnels. Il en ressort les points suivants.

Selon les rédacteurs canadiens, les logiciels de reconnaissance vocale seront de plus en plus performants et pourraient même remplacer les claviers. De quoi réjouir les personnes qui souffrent de tendinites! Je me demande toutefois comment nous pourrons concilier ce mode de rédaction et le partage des espaces de travail…

Par ailleurs, les rédacteurs canadiens croient que la rédaction s’effectuera de plus en plus de manière collaborative. Dans certains milieux de travail, la rédaction s’effectue depuis longtemps en collaboration, mais il faut admettre que les nouvelles technologies facilitent la collaboration. Pour ne donner qu’un exemple, Google Drive permet à plusieurs personnes de travailler sur un texte en même temps, ce qu’on appelle la rédaction collaborative synchrone.

De plus, les rédacteurs canadiens ont formulé des demandes précises envers l’industrie langagière. Premièrement, ils ont souligné la nécessité de mettre l’accent sur la convivialité des outils. S’il est raisonnable de penser qu’une entreprise évalue son outil avant de le commercialiser, on peut aussi supposer que la plupart le font individuellement, indépendamment des autres outils qu’utilisent les rédacteurs. J’ai d’ailleurs déjà abordé la question de l’intégration des outils dans un billet précédent. Enfin, les rédacteurs ont mentionné qu’ils avaient besoin de formation sur les outils informatiques, non seulement pour les nouveaux outils à venir, mais également pour ceux qu’ils utilisent déjà.

Je parie que nous aurons le sourire aux lèvres lorsque nous relirons ce billet dans quelques années. Certaines choses se seront probablement améliorées, mais d’autres n’auront pas changé. Quelles sont vos prédictions? Quelle sera la prochaine technologie de rédaction?

Référence citée: Gabrial, Brian (2008). « History of Writing Technologies », In Handbook of Research on Writing: History, Society, School, Individual Text, sous la dir. de Charles Bazerman, p. 23-33. New York: Lawrence Erlbaum Associates.

Note: Ce document n’est disponible qu’en anglais.

© Marie-Josée Goulet

Pour un logiciel de rédaction intégré

Les recherches que j’effectue sur la rédaction numérique m’ont amenée à conduire en 2011 un groupe de discussion avec 8 rédacteurs professionnels. Avec cette recherche, dont les résultats ont été publiés dans la revue Scripta, je poursuivais deux objectifs : 1) vérifier l’étendue des outils informatiques utilisés par les travailleurs du texte et 2) identifier les défis liés à la rédaction numérique.

Sans surprise, les rédacteurs interrogés ont confirmé qu’ils utilisaient de nombreux outils informatiques: traitement de texte, moteur de recherche Web, messagerie, correcteur, dictionnaire électronique, ouvrage de référence en ligne, plateforme de dépôt de documents, tableur, logiciel de reconnaissance vocale, etc. Ajoutons à cela que la réalisation d’un projet de rédaction implique généralement de consulter de multiples documents comme des pages Web, des courriels, des livres numériques, des textes partagés, etc. Comme vous pouvez l’imaginer, la combinaison des outils utilisés et des documents consultés entraîne une multiplication des fenêtres à travers lesquelles le rédacteur doit naviguer. Cette réalité a d’ailleurs été décrite dans une étude de cas publiée en 2014 dans le Journal of Writing Research.

Et c’est justement cette alternance entre les fenêtres que les rédacteurs interrogés ont identifiée comme l’une des principales difficultés de travailler avec les outils informatiques. Selon eux, leur poste de travail est saturé, ce qui ralentirait leur productivité et nuirait à leur créativité. Toutefois… ces mêmes rédacteurs accueillaient avec enthousiasme l’idée d’utiliser de nouveaux outils. C’est paradoxal, non? Ces positions ont été prises à des moments différents de la discussion, ce qui pourrait expliquer en partie la contradiction.

Il n’en demeure pas moins que la situation est réellement paradoxale : il existe plus d’outils que ce que les rédacteurs connaissent et utilisent, et d’autres outils seront créés… alors que le poste de travail est déjà saturé. Attendrons-nous que Microsoft ajoute des fonctions à son traitement de texte? Ou créerons-nous, de concert avec l’industrie langagière, un environnement informatique intégré, dédié à la rédaction professionnelle et basé sur les besoins des utilisateurs?

Je ne parle pas ici de simplement « incorporer » des outils dans un logiciel existant, comme lorsqu’on lance le programme Antidote dans Word et qu’une autre fenêtre s’ouvre. Je fantasme plutôt sur un logiciel de rédaction véritablement intégré et ce logiciel n’a pas encore été créé. Et vous, quel est votre logiciel de rêve? Partagez vos idées en publiant un commentaire!

Note : Je salue au passage les personnes qui ont participé à mon étude et les remercie une fois de plus pour leur précieuse contribution à la recherche.

© Marie-Josée Goulet