Les théories de la formation à distance

La prestation d’une formation à distance présente plusieurs défis. L’un d’entre eux consiste à atteindre l’équilibre entre le degré de structure d’un cours, le dialogue avec les étudiants et le niveau d’autonomie recherché chez les étudiants. Par exemple, plus la structure de mon cours est flexible, plus je dois consacrer du temps aux échanges avec les étudiants, afin de répondre à leurs questionnements individuels. Sans cette part importante de dialogue, la distance entre les étudiants et moi risque d’être trop grande, ce qui nuira à la qualité de l’expérience d’apprentissage. Pour décrire cet espace entre les étudiants et l’enseignant, Moore (2013) parle de distance transactionnelle, une expression que l’on pourrait traduire par distance interactionnelle ou distance communicationnelle. Enseigner, après tout, n’est-ce pas communiquer?

Dans un contexte de formation à distance, les manières de «communiquer» avec les étudiants sont multiples. Je peux envoyer un courriel rappelant le devoir à remettre, diriger les étudiants dans l’environnement numérique d’apprentissage, proposer un article de journal à lire dans le forum, établir des repères temporels pour la réalisation d’une activité, etc. Je peux également encourager les étudiants à travailler en équipe dans un document partagé ou leur demander de répondre à la question d’un pair dans le forum du cours. Selon Garrisson (2017), chacun de ces actes communicationnels concourt à la création d’une communauté d’apprentissage en ligne, laquelle est déterminante pour la qualité de l’apprentissage. Dans une communauté d’apprentissage en ligne, les actes de présence se manifestent sur les plans éducatif, cognitif et social. Plus la présence virtuelle est riche, plus la communauté d’apprentissage est soudée.

Les cadres théoriques de la distance transactionnelle (Moore, 2013) et de la communauté d’apprentissage en ligne (Garrisson, 2017) constituent en réalité deux manières complémentaires de formaliser l’enseignement et l’apprentissage qui se déroulent à l’extérieur de la classe. Dans ces deux théories, le concept de communication est central et plusieurs facteurs peuvent influencer l’expérience d’apprentissage. Ainsi, tout enseignant intéressé par la formation à distance a avantage à connaitre les rudiments de ces théories. Il faut toutefois admettre que, dans la pratique, aucun enseignant ne peut forcer la participation des étudiants, à moins d’y associer des points…

Références

Garrison, D. R. (2017). E-learning in the 21st century: A framework for research and practice(3e éd.). New York: Taylor & Francis.

Moore, M. G. (2013). The Theory of Transactional Distance. Dans M. G. Moore (dir.), Handbook of Distance Education (p. 66-85). New York: Routledge.

Le numérique au service de la participation active des étudiants

Comme professeure, je cherche toujours à améliorer mes méthodes d’enseignement. Comment rendre mes cours plus dynamiques?

Dans un cours de rédaction, l’un des premiers principes qu’on enseigne est que tout texte, pour être efficace, doit être centré sur son destinataire. Si le texte n’est pas adapté au destinataire, il risque d’être mal compris. C’est la même chose en enseignement. Pour être efficace, l’enseignement doit être centré sur les apprenants et miser sur leur participation active (Bates, 2015).

Je donne régulièrement des exercices de rédaction en classe. Chaque étudiant est devant son ordinateur et s’affaire à pondre un texte. Pendant qu’ils travaillent, je circule entre les rangées, me penche pour lire les textes et donne de la rétroaction. Que veux-tu dire par ceci? Pourquoi as-tu écrit cela? Lorsque l’information serait profitable à tous les étudiants du groupe, je les interromps et leur explique la situation. J’aime utiliser cette méthode, car elle rend l’exercice dynamique. Toutefois, je crois qu’il est temps d’actualiser la méthode. C’est décidé! La prochaine fois, j’afficherai le texte de l’étudiant à l’écran principal, afin que tous les étudiants du groupe voient l’objet de mon intervention! On n’arrête pas le progrès…

Sérieusement, voyons comment faire participer tous les étudiants dans cet exemple banal, mais tellement fréquent dans un cours de rédaction. À petite échelle, l’objet de mon intervention devient un « problème » rédactionnel. Une fois le « problème » affiché aux yeux de tous, je demanderai aux étudiants de proposer des solutions et d’appuyer leurs réponses par des principes étudiés auparavant ou par de nouvelles sources consultées. Pendant qu’ils réfléchiront, je créerai un questionnaire dans Moodle; cela ne prend qu’une minute, littéralement. Par exemple, si le problème rédactionnel est de nature structurelle, la question pourrait être : En une ou deux phrases, expliquez comment vous feriez pour améliorer la structure du paragraphe à l’écran? Au bout de quelques minutes, nous pourrions lire les réponses ensemble. Dans une classe de 30 étudiants, cela est tout à fait viable.

N’est-ce pas là un bel exemple d’utilisation du numérique favorisant la participation active des étudiants? J’ai tellement hâte au prochain exercice de rédaction!

Bates, T. (2015). Teaching in a Digital Age. https://opentextbc.ca/teachinginadigitalage/

Dis-moi comment tu enseignes et je te dirai à quelle théorie tu adhères

Comment les étudiants apprennent-ils? Comment enseigner pour favoriser l’apprentissage? Dans mes récentes lectures, je me suis intéressée aux théories de l’apprentissage. J’ai découvert que ma pratique enseignante concordait avec deux théories majeures.

D’abord, les cognitivistes peuvent être fiers de moi. Ce n’est pas pour me vanter, mais l’une de mes forces est la structuration des informations. Je prends un plaisir fou à décortiquer la matière avant de la présenter aux étudiants. J’atomise les contenus. Je ne me suis jamais demandé si c’était une bonne approche… mais les cognitivistes vous diraient que c’est la meilleure approche. En effet, selon le courant cognitiviste, les étudiants apprendraient en codifiant et en ordonnant les informations qui leur sont présentées (Ertmer et Newby, 2013). Ainsi, l’enseignant qui structure bien les informations faciliterait le traitement et la mémorisation de ces dernières par les étudiants (Ertmer et Newby, 2013).

Ce n’est pas le seul exemple de mon adhésion (inconsciente) au cognitivisme. Au début de chaque trimestre, j’ai l’habitude de demander aux étudiants ce qu’ils savent déjà sur le sujet du cours. En vérifiant leurs connaissances antérieures, c’est comme si j’aidais les étudiants à se diriger au bon endroit dans leur cerveau, c’est-à-dire l’endroit à partir duquel ils pourront créer de nouveaux liens. Selon les cognitivistes, cette stratégie permettrait aux apprenants de mieux assimiler les nouvelles informations (Ertmer et Newby, 2013).

Mais je ne suis pas une cognitiviste pure. J’ai également un peu de constructivisme en moi. Lorsque je suis en panne d’inspiration pour un examen, je demande aux étudiants de rédiger un court texte expliquant ce qu’ils ont appris durant le trimestre. Pour certains, c’est l’apocalypse. Je peux lire dans leurs yeux qu’ils se demandent ce que je souhaiterais qu’ils écrivent. Je ne les laisse pas languir longtemps : je leur dis qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Comment pourrais-je les contredire sur ce qu’ils croient avoir appris? L’apprentissage est une expérience personnelle (Ménard et St-Pierre, 2014). Ce que l’un a appris peut être différent de ce que l’autre a appris. Cette manière de voir la construction des connaissances est l’un des principes phares du constructivisme. Effectivement, selon l’approche constructiviste, ce sont les étudiants qui construisent les connaissances et non les enseignants (Joannert, 2006).

On en apprend tous les jours.

Sources citées

Ertmer, P. A. et Newby, T. J. (2013). Behaviorism, Cognitivism, Constructivism: Comparing Critical Features From an Instructional Design Perspective. Performance Improvement Quarterly, 26(2), 43-71.

Jonnaert, P. (2006). Constructivisme, connaissances et savoirs. Transfert, (3), 5-20.

Ménard, L. et St-Pierre, L. (2014). Paradigmes et théories qui guident l’action. Dans Se former en pédagogie de l’enseignement supérieur (pp.17-34). Montréal : Collection PERFORMA AQPC.

Nous sommes tous des rédacteurs professionnels

En rédactologie, on distingue normalement deux types de rédacteurs : les rédacteurs professionnels et les rédacteurs fonctionnels. Dans ce modèle, les rédacteurs professionnels sont ceux pour qui l’activité principale consiste à rédiger des textes. Ils peuvent être pigistes ou employés d’une organisation. Pour les rédacteurs fonctionnels, la rédaction constitue une activité parmi d’autres. Par exemple, dans le cadre de mes fonctions de professeure, je rédige toutes sortes de textes, mais cela ne représente pas ma seule activité.

Selon cette terminologie, je serais considérée comme une rédactrice fonctionnelle et non comme une rédactrice professionnelle. Cela est absurde, puisque j’enseigne la rédaction professionnelle! Vous l’aurez compris: je suis en crise existentielle.

Par ailleurs, il me semble que le qualificatif ‘fonctionnel’ est connoté négativement, contrairement à ‘professionnel’, qui renvoie à une image positive. Qualifier un rédacteur de « fonctionnel » ne revient-il pas à dire qu’il est fonctionnel en rédaction, mais qu’il lui manque quelque chose? D’ailleurs, et c’est peut-être pour cette raison, certains rédactologues utilisent l’adjectif ‘occasionnel’ plutôt que ‘fonctionnel’.

Je serais donc une rédactrice occasionnelle. Cela ne me satisfait pas.

Comment alors nommer les personnes qui rédigent des textes dans le cadre de leur travail, mais pour qui la rédaction n’est pas la seule activité? Dans un billet précédent, j’ai utilisé l’expression ‘travailleurs du texte’, mais, soyons francs, cette expression ne se répandra pas dans les écrits scientifiques. Et si la rédaction professionnelle incluait toutes les activités de rédaction réalisées dans le cadre du travail? La policière qui rédige un rapport d’enquête, le fonctionnaire qui rédige une note d’information, l’enseignant qui rédige un manuel pédagogique (eh oui, j’en reviens toujours à moi)… Toutes ces personnes font de la rédaction professionnelle!

Voilà. Je me sens mieux.

© Marie-Josée Goulet

Cliché rédactologique

Il est devenu cliché de dire que nous vivons à une époque où l’on écrit comme jamais. Mais comme je suis un mouton, je le répète à mon tour : nous vivons à une époque où l’on écrit comme jamais. Que signifie cette affirmation? Pour certains, elle réfère au fait que dans les communications personnelles, l’écriture a repris le dessus sur l’oral. J’écris repris, car avant l’invention du téléphone, les gens écrivaient des lettres. Mais aujourd’hui, n’avez-vous pas, comme moi, le réflexe d’écrire un message plutôt que de composer un numéro lorsque vous voulez contacter un ami ou un parent?

Cette omniprésence de l’écriture s’observe également dans la sphère professionnelle, par exemple dans les organisations gouvernementales. J’ai déjà fait allusion à l’importance de la rédaction dans les activités administratives (voir mon billet sur les travailleurs du texte) et je ne suis pas la seule à faire ce lien! Selon Daniel Caron, professeur à l’ÉNAP, tout le fonctionnement de l’État repose sur la production documentaire (voir note 1), par exemple les procès-verbaux, les notes de breffage, les politiques, les directives, etc. N’est-il donc pas étrange que les programmes universitaires en gestion comprennent si peu (voire aucun) cours de rédaction professionnelle?

Un autre facteur lié à l’omniprésence de l’écriture dans nos vies est celui de la mobilité, rendue possible grâce aux nouvelles technologies. Le fait de pouvoir transporter son dispositif d’écriture dans l’autobus, au café ou au parc favorise la communication écrite. Certains diront que l’on privilégie la communication avec des interlocuteurs virtuels, au détriment des personnes physiquement présentes, mais je ne m’aventurerai pas davantage sur ce terrain glissant (comprendre ici : c’est un débat récurrent avec les membres de ma famille).

Et les médias sociaux dans tout cela? Sont-ils étudiés par les rédactologues? Bien sûr que oui! Plusieurs chercheurs vont même jusqu’à inclure dans leur typologie les podcasts, les vidéos et autres documents multimédias, puisque pour créer ces documents il faut (normalement) passer par une phase d’écriture. Christina Haas résume bien cette position: « Les rédacteurs sont des concepteurs (et des utilisateurs) de documents multimédias et des producteurs de vidéos numériques; les commentateurs sportifs se révèlent être des rédacteurs, et tout le monde devient éditeur dans Wikipédia » (voir note 2). Bref, nous vivons à une époque où l’on écrit comme jamais. Désolée pour le cliché.

Note 1: Cette citation est tirée du texte La production documentaire dans les administrations publiques: enjeux et pistes de solution, dans Secrets d’États: les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, Presses de l’Université Laval, Québec, 2011, p. 320.

Note 2: La citation est une traduction libre de “[w]riters are designers (and users) of multimodal ensembles and producers of digital video productions; sports commentators turn out to be writers, and ‘everyperson’ is a Wikipedia editor”, tirée de la p. 165 d’un article publié en 2008 dans la revue Written Communication.

© Marie-Josée Goulet