L’enseignement, un métier de relations

C’est curieux la vie. Lorsque j’ai commencé mes études de cycles supérieurs, on m’encourageait à poursuivre une carrière de professeur, car je démontrais apparemment des aptitudes pour la recherche. J’étais toutefois très hésitante à aller dans cette voie : l’enseignement ne m’attirait pas particulièrement. Je suis néanmoins devenue professeure d’université et je passe presque la moitié de mon temps de travail à enseigner. Et j’adore enseigner! Que s’est-il produit?

Pour répondre à cette question, il faut considérer les styles d’enseignement. Que signifie enseigner? Pour certains professeurs, enseigner rime avec transmission de connaissances. Cette manière de concevoir l’enseignement se traduit la plupart du temps par des cours magistraux. Pour d’autres professeurs, enseigner signifie «faire apprendre». Les enseignants qui font partie de ce dernier camp ont une approche différente: ils tentent de rendre les étudiants actifs dans leur apprentissage (pour des exemples d’activités pédagogiques où les étudiants sont actifs, voir mes billets du 21 mars 2019 et du 23 novembre 2018).

Je ne vous cacherai pas que les premières années que j’ai enseigné à l’université, mon style était plutôt magistral. Pour ma défense, je ne faisais que reproduire ce que j’avais vécu comme étudiante. Il n’en demeure pas moins que le style magistral ne me convenait pas. Je n’étais pas heureuse dans mon rôle d’enseignante. Petit à petit, j’ai adopté un style différent, plus libre, plus dynamique. Aujourd’hui, grâce aux lectures que j’effectue sur la pédagogie, je constate que mon style d’enseignement se rapproche de ce que certains auteurs appellent la médiation (Kozanitis, 2015). Selon cette idée, l’enseignant sert d’intermédiaire entre les connaissances et les étudiants.

Le rôle principal d’un enseignant consisterait donc à accompagner les étudiants tout au long de leur apprentissage afin qu’ils atteignent leurs objectifs (Rodet, 2011). Vous avez bien lu : leurs objectifs, pas ceux de l’enseignant. De plus, il reviendrait à l’enseignant de prendre les devants si un étudiant a besoin d’aide, ce qui n’est pas toujours évident car, paradoxalement, les étudiants qui ont le plus besoin de soutien sont les plus difficiles à aider (Chomienne et Poellhuber, 2009).

Une médiation réussie passe par une relation pédagogique de qualité et, à titre de professeure, je suis la première responsable de la qualité de cette relation pédagogique. Selon Kozanitis (2015), l’attitude du professeur et la communication interpersonnelle influenceraient positivement la relation pédagogique. Pour simplifier à outrance, un professeur qui démontre une attitude positive et qui entretient de bonnes communications avec ses étudiants contribue à la qualité de la relation pédagogique.

Je comprends maintenant pourquoi j’éprouve tant de plaisir à enseigner. L’enseignement est un métier de relations (Kozanitis, 2015) et je suis une personne extravertie. Finalement, ce n’est peut-être pas uniquement en raison de mon potentiel en recherche que mes mentors m’encourageaient à devenir professeure…

Et vous, quel type d’enseignant êtes-vous?

Sources

Chomienne, M. & Poellhuber, B. (2009). Les effets de l’encadrement et de la collaboration sur la motivation et la persévérance. Pédagogie collégiale, 22(2), 20-27.

Kozanitis, A. (2015). La relation pédagogique au collégial. Une alliée vitale pour la création d’un climat de classe propice à la motivation et à l’apprentissage. Pédagogie collégiale, 28(4), 4-9.

Rodet, J. (2011). Formes et modalités de l’aide apportée par le tuteur. Dans C. Depover, B. De Lièvre, D. Peraya, J.-J. Quintin, & A. Jaillet (dir.), Le tutorat en formation à distance (p. 159‑170). Bruxelles: De Boeck.

Réflexion sur quelques emplois en rédaction

Les étudiants à qui j’enseigne la rédaction me demandent souvent quels emplois les attendent une fois leur diplôme universitaire en main. Afin de leur répondre adéquatement, je me balade à temps perdu sur les sites d’emplois. Voici une brève réflexion sur mes trouvailles de la semaine.

D’abord, certains sites offrent dans leurs options de recherche la catégorie «rédaction et traduction». Rien d’étonnant dans ce mariage, étant donné que plusieurs des compétences requises pour exercer ces deux professions sont connexes, certaines même similaires. L’on peut toutefois s’étonner que certains emplois impliquent une part de traduction, alors que le titre du poste ne le mentionne pas. Par exemple, dans une annonce de Coordonnateur des contenus et rédacteur, il est écrit que la personne sera «responsable de la gestion des projets de la firme pour tout ce qui touche la planification des contenus, la rédaction et la traduction». Dans un autre exemple, le poste s’intitule Rédacteur et l’une des tâches est décrite ainsi: «Collaborer avec tous les membres de l’équipe du marketing dans la réalisation du volet rédactionnel de leurs mandats respectifs et procéder à la création, la révision, la correction d’épreuves et la traduction de contenus». Pour ces employeurs, la rédaction engloberait donc la traduction, ce qui est évidemment inexact.

Je suis d’autant plus contrariée que dans cette dernière annonce, l’employeur exige un diplôme en communication ou en journalisme, alors que les tâches décrites relèvent davantage de la rédaction. L’annonce mentionne bien «diplôme équivalent» dans les exigences, mais cela ne suffit pas à m’empêcher de penser que les formations universitaires en rédaction et en traduction sont méconnues.

Toujours dans la même annonce, je remarque que l’on demande au rédacteur de pouvoir produire une grande diversité de textes: descriptions de produits, textes publicitaires, mémos, contenus des médias sociaux, rapports de recherche, etc. À ma connaissance, les programmes de communication ou de journalisme n’abordent pas les genres administratifs que sont les mémos et les rapports. J’avancerais même que dans certains programmes de communication, la rédaction est peu présente de manière générale. L’on est donc en droit de s’interroger sur l’adéquation entre la formation exigée et la nature de certains emplois. Selon moi, afin de pouvoir s’acquitter convenablement des tâches décrites dans l’annonce précitée, une personne devrait posséder une formation en rédaction ET en communication.

Enfin, dans une autre offre d’emploi que j’ai consultée cette semaine, on annonce un poste de Rédacteur SEO. SEO… Sérieux Efficace Organisé? Je suis trop drôle. SEO, c’est l’acronyme de «search engine optimization». En français: optimisation pour les moteurs de recherche. On décrit donc, dans cette annonce, une personne capable d’appliquer les techniques de rédaction permettant d’augmenter la visibilité des pages web dans les résultats des moteurs de recherche. On utilise aussi l’expression «référencement naturel» pour désigner les pratiques de rédaction SEO. Cet exemple est révélateur de nouvelles compétences que certains employeurs ont attribuées aux rédacteurs. À mon avis, les rédacteurs devraient s’approprier rapidement ces expertises liées aux contenus web et aux médias sociaux. Sinon, d’autres le feront…

Pour conclure, je suis plus que jamais convaincue que plusieurs emplois requièrent des compétences avancées en rédaction, mais que cela n’est pas toujours explicite dans le nom du poste ou dans les diplômes exigés. Mon conseil aux chercheurs d’emploi: postulez même si vous ne correspondez pas exactement au profil demandé.

© Marie-Josée Goulet