L’évaluation authentique au service de l’apprentissage

À quoi sert l’évaluation des étudiants à l’université? À départager les bons étudiants des mauvais? À assigner une note aux étudiants? À faire pester les enseignants?

Si je vous disais que l’évaluation peut être positive et stimulante, me croiriez-vous?

Je parle de l’évaluation authentique. En une phrase, l’évaluation authentique consiste à « évaluer les apprentissages des étudiants de façon constructive et itérative, dans des situations semblables à celles que l’on retrouve dans la réalité de la vie professionnelle » (Prégent et al., 2009, p. 139). Tous les mots de cette définition sont importants. D’abord, l’évaluation authentique est constructive et itérative. Cela signifie que l’évaluation doit faire voir à l’étudiant ce qu’il fait bien et ce qu’il fait moins bien. Pour ce faire, il est recommandé d’utiliser une grille d’évaluation. Les avantages pédagogiques d’une grille d’évaluation sont nombreux: plus grande objectivité, équité, transparence, etc. Personnellement, lorsque j’utilise une grille d’évaluation détaillée, je n’ai jamais à négocier les notes avec les étudiants.

De plus, l’évaluation authentique est itérative, c’est-à-dire que des rétroactions répétées doivent être fournies aux étudiants. Suis-je en train de dire que les enseignants doivent préciser leurs attentes avant l’évaluation finale? Oui! La rétroaction étant un facteur clé de l’apprentissage et de la réussite (Hattie et Timperley, 2007), il est essentiel que les enseignants donnent de la rétroaction à leurs étudiants. Il faut toutefois admettre que la rétroaction détaillée est chronophage. Dans un billet précédent, je concluais justement qu’il fallait parfois dire non aux évaluations formatives. Comment l’enseignant universitaire peut-il concilier la nécessité de donner suffisamment de rétroaction aux étudiants avec ses autres obligations professionnelles? Une partie de la réponse pourrait se trouver dans la grille d’évaluation. En effet, la grille utilisée pour attribuer les notes terminales aux étudiants peut être mise à profit pour donner de la rétroaction pendant la réalisation d’un travail. Il suffit d’omettre les notes littérales ou chiffrées à cette étape.

Le dernier aspect, mais non le moindre, est le caractère authentique de la situation d’évaluation. Dans un contexte d’enseignement comme le mien où les étudiants sont inscrits dans un programme professionnel, il est facile d’imaginer des situations authentiques: rédaction d’une note de breffage pour un ministre, production de contenus pour un blogue corporatif, etc. Il faut toutefois garder à l’esprit que pour être efficace, l’évaluation authentique doit cibler précisément les compétences visées par un cours et être cohérente avec les activités d’apprentissage effectuées préalablement par les étudiants dans ce cours. C’est le principe d’alignement pédagogique, dont j’ai parlé dans un autre billet. Si la tâche d’évaluation n’est pas alignée avec le reste, elle ne sert pas à grand-chose du point de vue de l’apprentissage.

Qu’en dites-vous?

Hattie, J., & Timperley, H. (2007). The power of feedback. Review of Educational Research, 77(1), 81-112.

Prégent, R., Bernard, H., & Kozanitis, A. (2009). Enseigner à l’université dans une approche-programme: guide à l’intention des nouveaux professeurs et chargés de cours. Montréal: Presses internationales Polytechnique.

Qui aurait cru que le film The Matrix pouvait servir de leçon pédagogique?

Dans le film The Matrix, Neo apprend le kung-fu en quelques secondes grâce à un programme téléchargé dans son cerveau. Contrairement à ce qui se passe dans cette scène, l’apprentissage n’est pas quelque chose que l’on peut faire aux étudiants. L’apprentissage est quelque chose que les étudiants font (Ambrose et al., 2010). Dans la vraie vie, on ne peut pas apprendre le kung-fu en absorbant passivement des connaissances provenant de sources externes et ce raisonnement s’applique à tous les types de connaissances, dans tous les domaines. L’apprentissage est du ressort des étudiants et les enseignants sont là pour aider les étudiants à apprendre.

Mes récentes lectures sur la pédagogie universitaire me font tourner la tête tant je découvre d’ajustements à opérer dans la planification de mes cours. Je vous en révèle deux dans ce billet.

Premièrement, au moment de préparer une séance de cours, il faut veiller systématiquement à l’alignement pédagogique, un principe introduit par Biggs en 1996. Selon le principe d’alignement pédagogique, les objectifs d’apprentissage formulés par l’enseignante doivent être cohérents avec les activités pédagogiques proposées aux étudiants, de même qu’avec les stratégies d’évaluation mises en place. Dans mon cours de Rédaction technique et scientifique, par exemple, les étudiants doivent apprendre comment vulgariser un texte scientifique pour le grand public. Ainsi, si je souhaite évaluer un texte de vulgarisation rédigé par les étudiants, il faut absolument que les étudiants aient effectué cette activité auparavant.

C’est presque trop simple. Et pourtant, je ne mettrais pas ma main au feu que tous mes cours sont bien alignés sur le plan pédagogique. Dans l’exemple précédent, une enseignante moins expérimentée pourrait être tentée de concevoir une activité où les étudiants doivent observer des textes vulgarisés et en déduire des procédés de vulgarisation, mais omettre (par manque de temps peut-être) d’inclure une activité de rédaction. Il me semble que j’ai déjà vu ça quelque part…

Le deuxième ajustement que je souhaite effectuer dans la planification de mes cours est d’intégrer des activités permettant aux étudiants de prendre conscience de leurs stratégies d’apprentissage. Selon Ambrose et al. (2010), les étudiants universitaires doivent effectivement apprendre à gérer et à adapter leurs stratégies d’apprentissage. Combien de fois ai-je fourni à mes étudiants une liste d’étapes les guidant dans la réalisation d’une activité? Dans le futur, il serait préférable que je demande aux étudiants de dresser eux-mêmes la liste des étapes. De cette manière, ils planifieront eux-mêmes la réalisation de l’activité, ce qui leur permettra d’anticiper les connaissances nécessaires à la réalisation de la tâche (Bégin, 2008).

Revenons maintenant à Neo. Après son apprentissage quasi instantané du kung-fu, Neo démontre ses prouesses, mais il n’arrive pas à battre le maitre. Ce dernier le questionne alors sur les raisons de cet échec, ce qui amène Neo à activer ses stratégies métacognitives d’autorégulation. En s’auto-observant et en s’ajustant, Neo fait preuve d’apprentissage en profondeur, le type d’apprentissage qui permet de réellement comprendre quelque chose. Sans cet apprentissage en profondeur, Neo n’aurait jamais vaincu la matrice…

Ambrose, S. A., Bridges, M. W., DiPietro, M., Lovett, M. C., Norman, M. K. (2010). How learning works. Seven researched-based principles for smart teaching. San Francisco: Jossey-Bass.

Bégin, C. (2008). Les stratégies d’apprentissage: un cadre de référence simplifié. Revue des sciences de l’éducation, 34(1), 47–67.