Depuis que j’évolue dans le domaine de la formation à distance (FAD), il me vient plusieurs idées d’activités pédagogiques qui intègrent les technologies. Je veux tout essayer! Les jeux sérieux, les wikis, les groupes de discussion, les vidéos, etc. J’en suis toutefois arrivée au point où j’ai besoin d’adopter une approche plus structurée dans ma démarche : je souhaite maintenant vérifier l’efficacité des dispositifs pédagogiques que je mets en place dans mes cours de rédaction.
Le hic, c’est que mesurer l’efficacité, c’est plus facile à dire qu’à faire. Partons des synthèses scientifiques sur l’efficacité de la FAD. Dans une méta-analyse datant de 2010, l’on conclut que les formations hybrides donnent de meilleurs résultats d’apprentissage que les formations entièrement en présentiel (Means et al., 2010). La synthèse de Bernard et al. (2009) apporte une nuance importante, à savoir que ce serait la combinaison de plusieurs éléments qui contribuerait à produire de meilleurs résultats d’apprentissage et non uniquement la modalité d’une formation. Il est donc pertinent de se questionner sur l’efficacité de chaque composante d’une FAD.
Dans les deux études que je viens de mentionner, l’efficacité est mesurée en termes de résultats d’apprentissage. D’emblée, ce critère soulève des questions : comment définir les résultats d’apprentissage? Parle-t-on des notes obtenues par les étudiants dans une activité précise? Considère-t-on la perception des étudiants quant à l’effet d’une FAD sur leur apprentissage? Vous aurez compris que tout chercheur désirant s’aventurer dans ce domaine doit pouvoir s’appuyer sur une définition claire de l’efficacité. Dans quel sens est-ce qu’un dispositif est efficace? Est-il efficace en termes de cout, de temps, de résultats d’apprentissage, de satisfaction? Deuxièmement, il faut se demander à qui profite le dispositif pédagogique. À l’étudiant, à l’enseignant ou aux deux?
Récemment, j’ai commencé à utiliser une nouvelle méthode de rétroaction lorsque je corrige les textes de mes étudiants. Cette méthode s’appelle la rétroaction-conversation et consiste à dialoguer avec l’étudiant à l’intérieur de son texte, en utilisant la fonction commentaire de Word. C’est comme une sorte de clavardage différé. Les réactions des étudiants m’indiquent que la méthode vaut la peine d’être étudiée. Comment puis-je en mesurer l’efficacité?
Dans un premier temps, je crois qu’il faudrait analyser les commentaires que les étudiants rédigent en réponse à mes questions, afin de vérifier dans quelle mesure ils comprennent la rétroaction. Si les résultats de cette étude s’avèrent positifs, je pourrais ensuite tenter de vérifier si la rétroaction-conversation induit un effet sur l’apprentissage des étudiants. Pour ce faire, je pourrais comparer les connaissances des étudiants avant et après la rétroaction-conversation. Je pourrais également vérifier les connaissances de deux groupes distincts, l’un faisant l’expérience de la rétroaction-conversation et l’autre faisant l’expérience d’une autre méthode.
De manière complémentaire, il serait important de savoir ce que les étudiants pensent de la rétroaction-conversation. Ont-ils l’impression d’apprendre? Aiment-ils cette méthode d’apprentissage? En effet, j’estime qu’une étude sur l’efficacité d’un dispositif pédagogique doit prendre en compte la qualité de l’expérience étudiante telle que perçue par les principaux intéressés.
Références
Bernard, R. M., Abrami, P. C., Borokhovski, E., Wade, C. A., Tamim, R. M., Surkes, M. A. et Bethel, E. C. (2009). A meta-analysis of three types of interaction treatments in distance education. Review of educational research, 79(3), 1243-1289.
Means, B., Toyama, Y., Murphy, R., Bakia, M. et Jones, K. (2010). Evaluation of evidence-based practices in online learning: A meta-analysis and review of online learning studies.
Encore moi!
Lorsque tu dis que « le hic, c’est mesurer l’efficacité » de la formation à distance et plus généralement de la formation en général, je suis évidemment interpellée. Lorsque les décideurs de mon institution me demandent d’apporter des preuves de l’efficacité de la FAD, qu’est-ce qu’ils entendent par-là? Efficacité de la FAD par rapport à la formation dite traditionnelle? Efficacité des méthodes pédagogiques? Meilleurs résultats des étudiants? Ce dernier indicateur me fait un peu sourire car c’est une des critiques qui avait été adressée aux cours à distance, il y a quelques années. La rumeur persistante courait dans les corridors que les étudiants à distance obtenaient des A+ sans fournir aucun effort. Une analyse comparée des résultats a prouvé que cette pratique était liée à certains enseignants et non à une modalité en particulier. Enseignants qui ont été rencontrés et auxquels l’institution a fourni un accompagnement professionnel. Pensez-vous que, depuis les cours à distance jouissent d’une bonne réputation? Non, mais le mythe de la réussite sans effort a été écarté nous laissant avec d’autres chats à fouetter!
L’étude de Sitzman de 2006 et le rapport américain de Means de 2009, révisé en 2010 vont tout de même dans le sens de ce que je perçois dans ma pratique. Je travaille particulièrement avec une enseignante sur une modalité hybride. L’enseignante qui a déjà enseigné le cours en classe, l’enseigne en formule hybride ou comodale (3 rencontres, tout le reste en ligne). Nous constatons ensemble, session après session que les étudiants en formule hybride arrivent aux séances, mieux préparés que les étudiants en présentiel dans le sens où le travail préliminaire (lectures, capsules, etc.) a été fait. Notre sentiment mais ce n’est pas une étude scientifique (nous y travaillerons, je l’espère) est que le design pédagogique a une grande influence sur le cheminement de l’étudiant mais aussi que la rareté des rencontres le contraint à être plus actif, est-ce que nous irions jusqu’à dire plus autonome? L’enseignante l’affirme!
Ce que j’observe de mon côté et que je devrai démontrer durant les prochaines années, c’est que la distance permet de redonner du sens à la présence. Je me suis donc trouvé une nouvelle obsession! C’est grave, docteur?
Means, B., Toyama, Y., Murphy, R., Bakia, M., & Jones, K. (2010). Evaluation of Evidence-Based Practices in Online Learning A Meta-Analysis and Review of Online Learning Studies. Washington, D.C: U.S. Department of Education. https://www2.ed.gov/rschstat/eval/tech/evidence-based-practices/finalreport.pdf
Sitzmann, T., Kraiger, K., Stewart, D. et Wisher, R. (2006). The comparative effectiveness of web-based and classroom instruction: A meta-analysis. Personnel Psychology, 59(3), 623–664
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«[…] c’est que la distance permet de redonner du sens à la présence.»
Ouf, je sens soudainement un malaise se dissiper. Merci pour cette phrase clef !
Oui, je l’avoue, depuis le début de notre formation, j’ai du mal à réconcilier mon intérêt pour les pédagogies actives et innovantes – disons en ligne ou en mode hybride – et la sacro-sainteté que j’accorde à la présence face-à-face. Pour moi, sans la présence physique, on passe à côté de quelque chose quand on veut faire apprendre ou qu’on veut apprendre. Je n’arrive toujours pas à identifier ce « quelque chose »; j’ai bien cherché un peu du côté de la psychologie clinique, de l’anthropologie sociale et des études sur les phéromones (https://www.nature.com/articles/32283), mais je n’arrive toujours pas à identifier ce « quelque chose ». D’ailleurs, je ne sais pas trop d’où elle sort, cette sainteté préconçue… peut-être s’est-elle élaborée suite à de nombreuses expériences positives d’apprentissage en présence physique d’instructeurs et de pairs ? Suite à nos lectures et nos discussions, je sais maintenant que son absence n’entache la qualité d’un dispositif pédagogique. Mais alors, quoi ?
Enfin, si la distance permet de redonner un sens à la présence physique (pour la distinguer des trois présences de Garrison) dans le contexte d’une FAD ou d’une formation à distance, je te supporte à fond dans ta mission !
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